Télétravail : les réunions en visio poussent-elles à la chirurgie esthétique du visage ?

“La caméra ajoute au moins dix kilos !” Cette phrase, c’est Monica Geller, un personnage bien connu de la série Friends qui la prononce au cours d’un épisode, au moment où elle se voit elle-même, plus jeune et visiblement plus ronde, dans une vidéo de son enfance.

Mais jusqu’ici, un peu comme Monica, nous étions plus ou moins épargné.e.s par l’effet “caméra”. A cette époque, soit les années 90, pas de portables, très peu d’écrans. Jusqu’à ce que les smartphones envahissent notre quotidien puis que la Covid-19 passe par là quelques années plus tard.

Pandémie, confinement, les réunions en visio se sont développées, télétravail oblige. Et avec elles, un sentiment désagréable : la caméra fait tout simplement ressortir nos moindres petits défauts ou imperfections du visage, et on ne peut plus s’empêcher de se scruter.

Au cours de l'année 2020, certains médecins américains ont assisté à une hausse des demandes en matière d’esthétique : injections de botox, d’acide hyaluronique, mais aussi procédures permanentes comme le lifting.

Les réunions “Zoom”, l’outil le plus utilisé pour les visioconférences, sont-elles à l'origine de la croissance de ces demandes ? Est-ce que cela a été le cas en France ?

Pourquoi se voit-on différemment à la caméra ?

L’écran est en fait une sorte de miroir déformant. Avec une caméra, on voit aussi notre visage bouger et on le voit différemment que lorsqu’on se regarde dans un miroir. Ensuite, la qualité de l’image et l’angle entrent en compte, de même que l’éclairage, rarement à notre avantage. En tout état de cause, un écran a tendance à faire ressortir les “défauts” d’un visage ; “défauts” que l'on n'avait peut-être jamais remarqués...ou qui n’existent pas vraiment. La taille du nez sur un écran augmente de 30%₁ !

Certains praticiens ont même évoqué une “pandémie de dysmorphobie”, soit une préoccupation excessive concernant un défaut de l'apparence physique... Face à ce visage “imparfait”, de nombreuses personnes ont eu envie de recourir à des solutions pour effacer leurs cernes, lisser leurs rides, repulper leurs lèvres et même envisager un lifting.

Quid des filtres beauté ?

En matière de beauté, les filtres popularisés par Instagram ont grandement participé à brouiller les pistes entre virtuel et réalité. Peau très lissée, nez fin, bouche augmentée, cils allongés, yeux de chats... Les réseaux sociaux – et avec eux les influenceurs et les célébrités – diffusent une vision idéalisée, irréaliste et particulièrement standardisée de ce qui est “beau”. Vigilance...d’autant que les plus jeunes sont sans cesse confrontés à ces images. Si la plateforme a depuis interdit les filtres estampillés “chirurgie esthétique”, ils existent toujours, mais sous un nom différent.

La France, un pays épargné par le “Zoom Boom”

Mais si le “zoom boom” ou “Zoom Face Envy” a bel et bien existé, notamment aux Etats-Unis, cette tendance s'est montrée plus discrète en France₂. Les demandes de consultations ont connu un pic, lequel est simplement la suite logique du confinement et des fermetures de certains cabinets.

En dépit de la croissance du secteur et de l’intérêt des français.e.s pour les actes esthétiques, chirurgicaux ou non-invasifs, l’approche en France, des médecins mais aussi des patients, est différente. Le naturel, la réalité et le fait de “se sentir” belle ou beau, ou tout simplement bien dans son âge et son corps, priment souvent sur une image en 2D ou de papier glacé. Et si cet écran renvoie une version de nous-même peu flatteuse, on l’oublie finalement assez vite une fois la réunion passée.

L’approche en esthétique : le naturel avant tout

L’approche de l’esthétique à la française est avant tout de révéler les traits, les embellir tout en gardant les expressions qui font la singularité d’un visage. D’ailleurs, un bon nombre d’hommes et de femmes aujourd'hui souhaitent plutôt agir sur la qualité de leur peau, plutôt que de “rajeunir” à tout prix.

Les liftings sont personnalisés, on ne tire plus simplement la peau mais on agit à la fois sur les muscles (le SMAS) et le tissu cutané, et l’on peut aussi réaliser des gestes plus localisés : mini-lift, lifting des tempes, etc.

Les actes de médecine esthétique viennent reculer l’âge d’une première opération de chirurgie esthétique ou bien l’entretenir, de sorte à faire perdurer les résultats, toujours dans l’optique de garder un maximum de naturel.

Côté silhouette, c'est la même chose : les augmentations mammaires se veulent sur-mesure, parfois combinées avec un lipofilling, pour des résultats harmonieux et naturels. On opte pour des technologies non-invasives pour retendre la peau et stimuler le collagène, ou pour remodeler certaines parties du corps en douceur.

Nos visages et nos corps vieillissent, mais si la demande en matière de chirurgie et la médecine esthétique augmente, les patients recherchent plutôt à bien vieillir et à rester eux-mêmes.

Avoir envie de s’embellir tout en restant soi

D’ailleurs, en tant que chirurgien esthétique, l’immense majorité des patients que je reçois dans mon cabinet à Grenoble, souhaitent, grâce aux techniques de médecine et de chirurgie esthétique, faire avant tout coïncider l’image qu'ils ont d’eux-mêmes – mais aussi leur énergie intérieure, leur dynamisme – avec l’image qu'ils renvoient.

Une envie de bien-vieillir, avec élégance et grâce.

C’est d’ailleurs pour cette raison que les techniques non-invasives plaisent tant : moins radicales, elles sont aussi plus douces et sans temps d’arrêt. D’autant que l’approche actuelle, même en chirurgie, est d’être au plus proche du naturel, avec des gestes subtils, personnalisés, qui ne modifient ni le charme, ni les traits, mais qui embellissent.

Lors de la consultation, j’échange longuement avec mon/ma patient.e et m’assure de ses motivations, de ses antécédents, et qu’il ou elle ne présente pas – entre autres – de dysmorphobie.

La chirurgie et la médecine esthétique doivent résolument être au service du bien-être et de l’estime de soi !

₁https://www.elle.fr/Beaute/Chirurgie-esthetique/Zoom-Face-les-traitement...

₂https://www.ladepeche.fr/2021/09/23/en-france-le-zoom-boom-na-finalement...